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L´église dans son cadre naturel
 
Saint Antoine
 
La Vierge qui montre la voie, icône de Joseph ach-Chami
 
Une épitaphe de 1906
 
Une waqfiyat de 1709, au profit du couvent orthodoxe Mar Chaaya de Broummana
(Archives du couvent grec catholique du Saint Sauveur, Sarba, Liban)
 
Cession de la gestion du couvent orthodoxe de Mar Chaaya au couvent Saint Jean de Choueir,1723
(Archives du couvent grec catholique du Saint Sauveur, Sarba, Liban)
 
Église Saint Antoine (Mar Antonios) de Khraj Qennabet Broummana

Notice historique
Broummana Title

Dans le village de Qennabet Broummana, on raconte que la chapelle Saint Antoine fut construite par des moines russes et que, de ce fait, on l’appelait “al-Moscobiyé” (la Moscovite).

Ces moines auraient séjourné à Saint Antoine, au début du XXe siècle, sur les terres waqf du monastère patriarcal de Saint Élie (Mar Elias) de Chouaiya. En ce temps-là, Saint Antoine relevait encore de ce couvent, qui fut lui-même habité par une communauté cénobite russe, entre 1913 et 1914.

Les moines russes ont peut-être été dépêchés de Chouaiya pour redynamiser l’exploitation des terrasses agricoles de cette région située en contrebas de Broummana et mise en culture par des métayers (chouraka, en arabe) de ce bourg. Plus haut que la chapelle, sur le flanc de la montagne, on voit encore les ruines des six constructions où ont probablement logé et œuvré les moines et les métayers. À proximité, aurait existé un pressoir à mélasse, dont nous n’avons pas trouvé la trace. La mention “Qennabet” apparaît d’ailleurs dans les archives du couvent de Chouaiya de la fin du XVIIIe siècle. Il y est question de cession de terres à ce couvent, justement par des familles de Broummana. Ce qui signifie que l’établissement daterait à tout le moins de la fin du XVIIIe siècle, les moines russes ayant peut-être simplement restauré ou reconstruit les bâtiments, un peu plus d’un siècle plus tard, pour les remettre en fonction. Saint Antoine serait-elle alors la seule construction encore fonctionnelle de cet établissement ?

L’architecture de la chapelle plaide en faveur de cette hypothèse. La forme générale de l’édifice, l’épaisseur des murs, l’absence d’ouvertures et la taille réduite des portes sont en effet caractéristiques de la période antérieure au XIXe siècle qui est significatif, lui, de la modernité ottomane avec ses nouveaux styles, modes et matériaux de construction.

Tout porte encore à croire que la communauté cénobite est plus ancienne que l’arrivée des moines russes, le mot « qennabet » pouvant dériver du grec “koinobion” qui signifie “cénobe” et désigne une congrégation religieuse. Ce que confirme par ailleurs le mot « deir » que l’on applique aujourd’hui à Saint Antoine, qui se dit « Deir Mar Antonios » en arabe. « Deir » signifie généralement « couvent », mais ce mot renvoie aussi aux chapelles votives, en Syrie et en Liban.

Depuis les premiers siècles chrétiens, en dehors des églises paroissiales, les communautés villageoises de la région fondaient ici et là de telles chapelles, les dotaient de biens-fonds pour satisfaire à leur entretien et leur désignaient un laïque comme gérant, quand elles ne les confiaient pas à un moine appelé parmi les villageois. L’église grecque orthodoxe étant de tradition peu hiérarchisée, ces unités formaient une sorte de petits couvents ruraux, des « deir » justement, qui revenaient en dernier lieu à l’évêque, mais qui appartenaient, dans les faits, totalement aux villageois. Dans le pays de Jbeil, à Qornet ar-Roum par exemple, les vestiges archéologiques autour des chapelles votives révèlent que ces dernières avaient fait partie de tels ensembles, au moins depuis le Moyen Âge, d’après l’archéologue Lévon Nordiguian. Dans les périodes de crises économiques ou de catastrophes naturelles, ces petits couvents étaient abandonnés ou tombaient en ruine. Essentielles à la dévotion populaire, leurs chapelles ont souvent résisté à cet anéantissement et survivent encore.

Il arrivait encore que les petits couvents ruraux soient donnés en epidôsis à de grands monastères, à charge de les faire revivre pour le bien général. Cela a pu être le cas de Saint Antoine, cédé à Saint Élie de Chouaiya à une date qui nous est inconnue. Mais le risque pour les petits couvents était de tomber sous l’ordre total des grands et pour une durée illimitée. Ce qui survint, par exemple, à Mar Chaaya (Saint Isaïe) de Broummana. Ce couvent orthodoxe fut une première fois donné en gestion au monastère de Balamand, à une date ignorée. En 1723, il fut de nouveau attribué à Saint Jean de Choueir qui l’entraîna à sa suite dans le giron du catholicisme romain, lors de sa dissidence de l’Église grecque orthodoxe. Le couvent et ses terres furent confisqués aux villageois de Broummana au profit de l’Église grecque catholique naissante.

En tout état de cause, il reste sûr que Saint Antoine fut à l’origine du village actuel de Qennabet Broummana et lui a donné son nom. Celui-ci fut en effet fondé sur le versant opposé de la vallée, avec une église paroissiale propre, édifiée sur la crête en 1904 :  Notre Dame de l’Annonciation (Saydet al-Bichara). Plus tard, à leur tour, les moines russes désertèrent Saint Antoine. On ne connaît pas avec précision la date de cet abandon. Il a peut-être eu lieu au début de la Première Guerre mondiale, les religieux ayant dû évacuer le territoire de l’Empire ottoman en guerre contre la Russie, dès 1914.

Par la suite, la chapelle fut abandonnée et tomba en ruine. Après la dernière guerre civile au Liban (1975-1990), elle est concédée au village actuel, notamment au quartier Jouwaniyé situé à deux kilomètres de là, dans le khraj (aux abords) du village. Elle fut donc rattachée au diocèse de Jbeil et Batroun (Mont Liban). Saint Antoine est aussi le cimetière des habitants de Jouwaniyé.

C’est dans les années 1990 que commença sa reconstruction par les maîtres en bâtiment de Jouwaniyé. Les murs en pierre taillée de calcaire blanc et jaune sont relevés et la toiture plate en terre remplacée par une dalle de béton. À ce jour, les travaux ne sont pas terminés, par manque de moyens. Dans l’intervalle, des portes en fer sont installées pour protéger cette chapelle située sur une terrasse entourée de chênes, en marge du village actuel, et totalement isolée. En 2005, une autoroute nouvelle, construite à quelques mètres, a sorti ce site de son isolement. 

Entre-temps, une tour de clocher en béton armé a vu le jour, de même qu’un nouveau passage en escaliers, aménagé sur le côté occidental. Il permettra d’accéder aussi à un nouveau cimetière, projeté en remplacement de l’ancien qui est situé sur le côté oriental. Dans ce vieux cimetière, l’inhumation se fait encore “à l’ancienne”, c’est-à-dire directement en terre, sans caveau ou monument funéraire.

La chapelle a la forme d’un cube surbaissé, aux faces dépouillées. Deux portes basses et deux fenêtres récentes ouvrent ses murs épais d’environ un mètre. À l’extérieur, sur le chevet plat, est logée une niche votive dédiée au saint patron des lieux. À l’intérieur du sanctuaire, un arc aveugle revêtu de pierres à bossage rustique fait office d’abside. L’autel en pierre est de construction récente, de même que l’iconostase.

Les grandes icônes de l’iconostase sont l’œuvre d’une religieuse du couvent de Kaftoun. On note quatre autres grandes images peintes sur des plaques métalliques. Parmi celles-ci, seule l’image de la Vierge à l’Enfant porte une signature, celle de Joseph ach-Chami.

May Davie

Tout renseignement historique susceptible d'enrichir ce texte ou de le nuancer serait le bienvenu. Pour nous contacter :
mdavie@univ-tours.fr
georges.fberbary@balamand.edu.lb

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© Université de Balamand, Mise à jour janvier 25, 2008